PORTRAIT – Aider les migrants, en particulier les catégories les plus vulnérables comme les femmes et les mineurs, est la cause noble pour laquelle Mina Rhouch a décidé de consacrer sa vie dans sa ville d’adoption, la capitale andalouse Séville.
Médecin généraliste et militante associative, Mina Rhouch se bat contre l’indifférence aux problèmes des catégories les moins favorisées et pour le droit à la santé. Cette femme de convictions dirige le Centre international médical pour les migrants et les étrangers (CIMME), qu’elle a créé en 1994 aux côtés d’autres médecins et acteurs associatifs, pour venir en aide aux immigrés démunis et leur offrir soins et accompagnement. L’émigration est en effet un thème qui tient à cœur à Mina Rhouch, une franco-marocaine née à Kénitra et qui vit depuis 26 ans en Espagne, un parcours qui est le fruit, dit-elle, des circonstances de la vie. « Pour moi l’émigration a été un parcours qui est venu par lui-même, ça n’a été ni une obligation ni un choix » confie-t-elle dans une interview à la MAP. Elle se considère comme une «citoyenne du monde» qui a eu la chance de voyager à travers le monde et de connaitre d’autres cultures, avant d’atterrir avec son mari à Séville. Son travail en tant que médecin s’est additionné à son expérience de l’émigration pour prendre conscience de la situation difficile que vivent les immigrés démunis, dont l’accès à la santé est un véritable luxe devant la nécessité de subvenir aux besoins les plus vitaux et de trouver un travail, souvent précaire et parfois nuisible à la santé.
C’est le cas notamment des employés des exploitations agricoles du sud de l’Espagne, et en particulier les femmes qui, avec les migrants mineurs, constituent la catégorie des «vulnérables parmi les vulnérables», selon les termes de Mina Rhouch. C’est justement pour cette population d’immigrés que le CIMME dédie son action, même s’il agit aussi auprès des hommes et, plus généralement, au niveau de la sensibilisation au droit à la santé des migrants et des étrangers ainsi qu’en matière d’accompagnement et de formation de cette catégorie. «En plus de mon travail, je suis une militante pour la santé des migrants et pour la prise en compte de toutes les approches nécessaires qui aident à mieux préserver cette santé, comme l’approche genre », indique Mme Rhouch. « Ce n’est pas la même chose de soigner une femme que de soigner un homme, et que ce n’est pas non plus pareil de soigner un homme immigré qu’une femme immigrée », explique-t-elle.
« Pendant un certain temps, j’ai travaillé dans les services de santé publics mais, à un moment donné, je me suis dédiée pratiquement entièrement au CIMME, qui a pour devise la santé est le droit des peuples et le devoir des dirigeants, quel que soit l’endroit où la situation juridique du patient», a-t-elle poursuivi. Si ce centre travaille beaucoup avec les migrants du sud de l’Espagne, il mène aussi des activités au niveau international en collaboration avec d’autres ONG, essentiellement pour la sensibilisation quant à la situation sociale des migrants les plus défavorisés et les obstacles qui entravent leur accès à la santé. C’est dans ce cadre que Mme Rhouch est intervenue, en mars 2016 à New York, devant la conférence de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies, sur le thème de la santé et du bien-être de la femme migrante en Espagne. Car pour cette militante de la société civile, le concept de la santé doit être compris dans sa définition la plus large, qui englobe le bien-être psychique, physique, social et culturel, et mener des actions dans ce sens nécessite le plus souvent un travail de terrain pour aller à la rencontre des migrants et connaitre leurs problèmes et leurs besoins.
L’engagement de Mme Rhouch en faveur des migrants l’a conduit à intégrer le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), où elle fait partie du groupe de travail « Approche genre et nouvelles générations ». Au sein de ce conseil consultatif, la militante a mis le doigt sur le sujet de la femme immigrée et des migrants mineurs non accompagnés et supervisé deux publications du CCME sur ce sujet ainsi que sur celui de l’adoption ou la «kafala». Concernant l’émigration marocaine, Mme Rhouch appelle à former les jeunes et les sensibiliser sur les véritables défis et problèmes auxquels font face les migrants. “La migration peut être une chance mais, malheureusement, la chance ne sourit pas à tout le monde. Et les acteurs associatifs ont la responsabilité de sensibiliser les gens sur ce thème avec l’aide du gouvernement”, estime-t-elle.
Mme Rhouch salue l’approche solidaire du Maroc envers les immigrés subsahariens, qui bénéficient d’un programme de régularisation conformément aux Hautes orientations de SM le Roi Mohammed VI. « C’est un acte de solidarité et de courage », relève-t-elle. Et d’ajouter que la coopération avec les pays africains doit être mise en œuvre également sur le plan associatif et de la société civile, y compris entre les associations marocaines et africaines dans les pays de l’émigration en Europe. « Cela permettra de mettre en place des projets de co-développement qui peuvent bénéficier à la fois au Maroc et autres pays du continent, non seulement par rapport aux femmes mais pour le bien des nouvelles générations, en vue de renforcer l’idée que le destin de l’Afrique se trouve entre les mains des Africains aussi bien en Afrique qu’à l’étranger », poursuit-elle. En ce qui concerne la situation de la femme marocaine, Mina Rhouch pense que, même si des acquis indéniables ont été réalisés, il reste beaucoup à faire, en particulier dans le domaine de la participation politique des femmes et du renforcement du tissu associatif œuvrant en faveur de cette catégorie. « Travailler collectivement et aller en avant la main dans la main pour améliorer la situation des femmes est quelque chose qui s’apprend, d’où l’importance de la formation à l’action associative et de terrain », conclut-t-elle.