Dans l’univers pictural du talentueux artiste-peintre marocain M’hamed Boussaboune, les couleurs se révèlent dans toute leur richesse et leurs nuances, évoquant la chaleur ensoleillée des paysages ainsi que la splendeur de la culture et du patrimoine marocains. Chaudes comme le rouge, le jaune et l’orangé, froides comme le bleu, elles donnent du relief à l’espace à deux dimensions et créent une atmosphère de grande poésie. Les œuvres de ce plasticien autodidacte, natif de Taliouine en 1963, exigent une certaine distance : de près, on peut admirer les jeux de textures, les larges aplats agrémentés de touches et de points, presque semblables à une projection.
Entre la peinture et M’hamed Boussaboune, une histoire d’amour de plus de trois décennies. Dans leurs processus artistiques, ses œuvres donnent lieu à des propositions intrinsèquement contemporaines, dans une sorte d’impermanence atemporelle, de temps étiré. Cette expérience, elle l’a partagée un peu partout au Maroc, à travers plusieurs expositions et rencontres d’art. Et c’est cette même quête renouvelée de styles, de couleurs, de formes et de lumières que l’artiste-peintre nous donne à voir et apprécier aujourd’hui dans ses travaux récents. En combinant ces éléments, il parvient à créer des compositions visuelles qui captent l’attention et éveillent l’imagination. Ses œuvres sont conçues de telle manière qu’elles invitent le spectateur à s’évader, à se perdre dans les textures et les formes, à explorer un monde intérieur où la beauté et la poésie sont préservées.
Face au monde tel qu’il se présente, la démarche se révèle donc d’autant plus sincère qu’elle tend vers l’apaisement, la rêverie, la culture, notions qui échappent aux sociétés précipitées au bord du gouffre par des conflits qui les dépassent. Ici, il s’agit avant tout de ce souci majeur de sauvegarder le patrimoine immatériel. Compte tenu de l’importance qu’il revêt dans le paysage identitaire et culturel du Maroc, souvent confronté à l’usure du temps, M’hamed se voit plus que jamais appelé à assumer une responsabilité qui dépasse largement le cadre de l’art : l’image de l’identité nationale. Il est question, pour lui, donc de participer activement à la fois à la cohésion sociale et à la dynamique culturelle du pays à travers l’art. Cela se traduit par la philosophie de cette culture et sa pluralité, mais aussi par les valeurs de respect, de modernité et d’art du partage que ses tableaux véhiculent.
Sur ses vastes toiles, M’hamed Boussaboune crée des effets de surface par le mouvement du pinceau, prolongement de son corps. Et les lignes s’agencent selon une dynamique tout à fait personnelle. Bien qu’il possède le sens de la matière picturale et du geste, il marque son émotion attachée à la nature et la poésie de l’univers dans une vibration et un enchevêtrement énergique de larges touches colorées. Et comme tout artiste-peintre figuratif digne de ce nom, M’hamed favorise davantage les matières picturales.
L’œuvre de notre peintre est constituée en très grande majorité de toiles de grandes dimensions peintes à l’huile. Et si la diversité est le propre de la nature humaine, M’hamed jongle avec les différentes techniques mises à sa disposition : peinture à l’huile sur toile, pinceaux… Depuis tant d’années, il s’est consacré corps et âme à ses recherches marquées par des voyages, des stages, les efforts pour s’assurer toute documentation utile pour ce faire…Résultat : une œuvre qui capte une réelle intuitivité en se nourrissant d’une créativité qu’il maîtrise avec une aisance sans aucune complaisance.
Du décor ou du sujet, pas de frontière. Tout élément s’imbrique dans l’autre, en une force d’engrenages parfaitement huilés. Pointes de figuration et touches de symbolisme constellent l’œuvre hors du champ commun. L’apparente sobriété que notre peintre déploie dans la distribution des éléments rend ses œuvres très attractives. Celle-ci pourrait être comprise comme une rationalisation de l’espace. Et la valeur intrinsèque de chacune de ses œuvres s’additionne aux autres et toutes s’enrichissent mutuellement.
Il faut dire aussi que pour M’hamed Boussaboune, l’art n’est pas une reproduction objective du réel, il en est l’interprétation à travers la profondeur et la force du style de la vision de l’artiste. En même temps, le propre de l’univers de cet artiste est d’être communicable et le monde nous apparaît dans son œuvre comme une « totalité détotalisée», selon l’expression de Sartre.
Ayoub Akil