Dans l’univers pictural de l’artiste-peintre marocaine Hanane Belhaiba, les couleurs s’expriment pleinement dans toutes leurs nuances voisines avec l’ardeur ensoleillée des paysages et les splendeurs de la culture et du patrimoine marocains. Comme les Nymphéas de Monet, la peinture de cette plasticienne inspirée, qui vit et travaille à Casablanca, nécessite de prendre du recul: près du tableau, les jeux de matières, les larges aplats parsemés de touches et de points, à la limite de la projection. Ses œuvres déroutent, interrogent, dégagent de la poésie et de la spiritualité.
Poétique, palpitant, merveilleux, éclatant, lumineux… C’est un carnaval diversifié d’œuvres auquel nous invite la plasticienne marocaine autodidacte Hanane Belhaiba. Sa peinture évoque irrésistiblement ce mot de Cézanne : «L’art est une harmonie parallèle à la nature». Ainsi dans ses œuvres, on retrouve une palette éclatante où les rouges, les jaunes, les verts et les bleus semblent sortir de l’espace circonscrit des toiles pour entraîner le spectateur dans un tourbillon chromatique.
Observatrice attentive du monde, Hanane a su progressivement se libérer du poids des choses, dépasser le jeu des formes, des apparences, pour recueillir ce qui est au cœur des choses, choisir l’esprit du concret. Mais ses œuvres n’en ont jamais pour autant perdu leur saveur, cette véracité qui fait le regard toujours complice des choses avec lesquelles elle entre en contact. C’est même l’origine et la raison d’être de son travail pictural dénonçant implicitement le matérialisme de notre ère provoquant la perte de notre âme.
C’est dire que l’œuvre de Hanane Belhaiba favorise à la fois l’aspect extérieur par son harmonie des formes et des couleurs, et la résonance intérieure, celle de l’âme. Son œuvre prend alors un caractère contemplatif tout à fait prémonitoire. Dans son univers, notre artiste ressent ce besoin incessant de s’élever et d’avancer, lentement mais sûrement. Il est question d’une recherche perpétuelle de la profondeur de l’œuvre qui permet l’éveil spirituel. Mais avant tout, Hanane est une artiste qui prend du plaisir à peindre comme en attestent les coulures de la matière et les changements de rythme dans la gestualité: tantôt pondérée et sobre, tantôt lyrique et déchaînée.
A partir d’un assemblage d’une multitude d’éléments photographiques ou simplement fruit de son imagination, elle réalise une composition visuelle suffisamment aboutie pour passer à l’étape finale: la peinture. Après avoir transféré son image vers une toile, le travail de peinture consiste à reprendre l’ensemble de l’image pour en révéler son aspect final par l’équilibrage de la lumière, des contrastes et autres effets de matière. Ce qui lui permet de mieux mettre en œuvre son univers onirique. Il suffit de s’éloigner de quelques pas pour que la composition s’assemble, se construise et révèle son thème.
De ce procédé créatif cherchant un équilibre entre la nécessité du contrôle et le défi de l’impromptu se dégage une grande sérénité et zénitude. L’œuvre de Hanane ressemble le plus à son âme comme à ses émotions, qui sont toujours à fleur de peau. La superposition des couches de couleurs, les nuances des tons insufflent un effet magique à ses œuvres. Des cieux tantôt violets, bleutés, rosâtres ou jaunâtres, veloutés ou satinés accentuent l’ambiance envoûtante de l’atmosphère. Des contrastes forts et harmonieux, distribués en équilibre sur la surface des toiles chargées de détails, surprennent le regard et participent à la singularité de l’ensemble.
L’expérience de son propre univers, qui apparaît souvent avec soudaineté, manifeste authentiquement et originairement l’œuvre qui perce le temps pour voir et percevoir et nous embarquer dans l’univers de cet artiste au goût prononcé pour le patrimoine immatériel. Or compte tenu de l’importance que ce patrimoine revêt dans le paysage identitaire et culturel du Maroc, souvent confronté à l’usure du temps, Hanane se voit plus que jamais appelée à assumer une responsabilité qui dépasse largement le cadre de l’art : l’image de l’identité nationale.
Techniquement, notre plasticienne manipule les divers ingrédients et fabrique ses propres agglutinants et médiums, selon les connaissances traditionnelles, dans toutes les techniques. Sur le plan plastique, elle intègre des formes de nature hétéroclite plastiquement pour ainsi inscrire ses travaux dans un processus de combinaison, de mélange, ce qui implique de nouvelles relations entre composition, forme et figure.
Enfin, l’empathie, l’imagination, le cœur et les yeux grands ouverts sont indispensables pour transmettre sur la toile les émotions nécessaires au dialogue avec le récepteur du tableau. Un vrai régal aux regards mêmes les plus blasés!
Ayoub Akil