INTERVIEW – Du haut du balcon est le titre que l’écrivain, journaliste et poète marocain Driss Tahi, auteur de plusieurs ouvrages et de recueils collectifs, a choisi pour son tout premier roman, fraichement paru aux éditions Les Infréquentables. Cet opus de 240 pages relate certains des événements qui ont marqué Casablanca depuis les années 1940 jusqu’aux abords contemporains de 2006, à travers le personnage de Saâdia, héroïne du roman. Son auteur nous en explique dans cet entretien les tenants et les aboutissants.
Marocains Partout : »Du haut du balcon », pourquoi le choix d’un tel titre ?
Driss Tahi : J’avoue que j’ai changé plusieurs fois le titre du roman au fil de l’écriture, mais le mot balcon y était toujours. Au début, je l’ai intitulé : «Le balcon», puis «Un balcon sur la vie», ou «Un balcon sur Casablanca», ensuite «Le balcon de Saadia», pour enfin arriver à : « Du haut du balcon». Un titre qui s’est imposé en quelque sorte vers la fin.
Le balcon comme seul lien avec l’extérieur pour Saâdia qui est le personnage principal dans «Du haut du balcon», une femme âgée, malade, qui se retrouve seule, ou presque à la fin de sa vie. Son balcon donne sur la rue Khatibi, une artère commerçante au centre d’une grande ville, Casablanca. Une rue qu’elle connaît, où elle a vécu depuis la première année de son mariage.
Aussi, tous les souvenirs qui alimentent les chapitres du roman sont déclenchés par cette rue; les gens qui l’animent, quelques visages familiers que Saâdia avait autrefois connus ou côtoyés, mais aussi certains endroits, des odeurs et des moments, qui l’interpellent au gré du hasard pour l’entraîner dans…
S’agit-il d’une métaphore?
Oui! Mais pas seulement. En tant que romancier, ce balcon est quelque part une position perchée qui m’a offert la possibilité d’opérer un recul dans le temps et l’espace pour scruter à travers le prisme du regard de Saâdia d’en haut le passé et plonger dans ses souvenirs, les miens aussi et ceux de la ville et du pays, dans une grande ville comme Casablanca qui fût le théâtre de nombreux événements ayant secoué le Maroc d’avant et d’après l’indépendance et leurs répercussions sur la vie de dizaines de familles. Les lieux et les dates ainsi que les évènements relatés au fil du récit sont réels et connus de tout le monde et font pour la plupart depuis longtemps partie de la mémoire collective des marocains. Quant à mes personnages et leurs histoires, ils sont fictifs, inventés et placés dans un cadre spatio-temporel choisi, dans une imbrication entre réalité et fiction.
«Du haut du balcon» est aussi un lancinant cri du coeur qui nous rappelle les répressions, la torture, les prisons secrètes, durant les années de plomb surtout….
Les exactions commises lors des manifestations qui secoué le pays avant l’indépendance, en 1965 – 81- 84, etc…Les disparitions arbitraires, la torture, Tazemamart, le problème des fosses communes et toutes les atteintes aux droits humains, ont depuis la création de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) et l’instance équité et réconciliation (IER) fait couler assez d’encre et ont révélé au monde certaines vérités sur les pratiques inhumaines et toutes les atrocités découvertes sur ce qu’on a appelé les années de plomb.
Dans «Du haut du balcon», c’est plutôt le problème des femmes de ces victimes que j’ai essayé de mettre en exergue. Saâdia n’est qu’une parmi des dizaines qui s’étaient trouvées un matin à la recherche d’un mari, un fils ou un père disparu. Des femmes dont on ne parle que très peu , pourtant pour certaines parmi elles ,leurs vaines recherches d’une dépouille dans les morgues ou dans les cimetières , pour d’autres leurs attentes devant les locaux de la police en quête de la moindre information sans aucun résultat, ou leurs périples d’un pénitencier à l’autre, sont autant de calvaires qui font d’elles les autres victimes silencieuses des exactions et des atteintes aux droits humains qui avaient à jamais marqué la pays dans les années de plomb.
Quels sont vos futurs projets?
Je dois dire que j’ai toujours été et depuis longtemps passionné par la littérature et en particulier la poésie. J’écrivais et trouvais le temps de le faire malgré les contraintes dues au fait que mon travail de gestion de l’entreprise ne me laissait pas beaucoup de temps libre. Je reconnais qu’au début je ne pensais pas à me faire publier. Aussi, j’ai écris pas mal de choses durant des années, j’en ai perdu des tas, mais heureusement que j’en garde encore quelques uns dans un tiroir. Après «Du haut du balcon», j’ai ressorti tous ces manuscrits pour essayer de les relire avec l’intention d’en faire quelque chose.
Propos recueillis par Ayoub Akil