Décidément, l’artiste-peintre et décoratrice d’intérieur marocaine contemporaine Soumia Drissi Alami alias Suzane voue une véritable affection avec son entourage et a choisi de produire une peinture qui trouve son résonnance dans l’âme des passionnés de l’art. Courageuse, tenace, et amoureuse de sa peinture, cette plasticienne, en suivant le chemin des grands peintres de l’Histoire, livre des œuvres d’une diversité déroutante. Elle traite majoritairement de sujets sociaux, philosophiques, artistiques, spirituels, poétiques, entre autres, de par son engagement vis-à-vis des grandes questions de l’heure.
Chez Soumia, qui vit et travaille à Casablanca, la tension picturale s’exprime par l’interpénétration des formes, des couleurs vives posées. Elle simplifie ainsi les formes de ses toiles abstraites, impressionnistes, figuratives, expressionnistes, pop art, entre autres styles, jusqu’à obtenir des coloris comme des vibrations vaporeuses et lumineuses dans une matière parfois opaque. Les plages de couleurs ne se touchent jamais complètement. Ses toiles, d’un format mural, présentent des tâches en forme de flammes puis de grandes plages de couleurs en aplats.
Et comme nombre d’expressionnistes abstraits, dans ses œuvres, la forme cède devant le contenu, celui de son inconscient. L’espace du tableau devient alors un tremblement, un souvenir, un détail, un tourbillon chromatique, une vérité mystérieuse, une fissure spirituelle, entre autres. Et l’on peut avancer que cette artiste à la démarche picturale originale accorde une haute importance à l’équilibre rythmique des couleurs qui manifeste son dynamisme d’exécution sur toile ou sur papier.
Les diverses expositions de Soumia Drissi Alami, au Maroc comme à l’étranger, ont toujours été l’occasion pour le public de voir et d’apprécier ses travaux qui s’annoncent comme une effervescence de sensations renouvelées et chargées de charme. Et au fil du temps, elle se crée un univers d’émotions matérialisées par des couleurs et des formes. Elle s’appuie sur son propre terrain fertile en thèmes et en sujets et fait appel à l’imagination, son précieux outil, lui accordant le premier rôle et l’autorisant à s’ébattre en toute liberté et fantaisie.
L’œuvre de notre peintre est constituée en très grande majorité de toiles de grandes dimensions peintes à l’acrylique ou à l’huile et recouvertes de croquis et esquisses. Tout cela se bouscule sur la toile en voisinages inattendus, suscitant chez le spectateur la surprise et le questionnement. Le rapprochement est tantôt éloquent, tantôt obscur, jusqu’à ce que l’effort soit fait de se laisser inviter dans cet univers et de s’en imprégner.
L’œuvre prouve en outre que l’artiste a toute liberté d’imposer un style à ses sujets, sans contraintes aucunes. Surtout en ce qui concerne la responsabilité de la forme dans l’apparition du style. Il est question dans ses tableaux de modifier les apparences en vue de l’expression. Elle bouscule, malmène et renverse le sens commun des choses pour arriver à leur signification profonde. Ce qui explique la ferme volonté de Soumia de ne jamais s’en tenir des explications superficielles et d’aller plutôt au-delà des vues conventionnelles vers des réalités intérieures. Ainsi, le songe qui s’avance de prime abord masqué offre soudain alors le visage du réel.
Dans le processus de création, l’artiste-peintre Soumia Drissi Alami semble privilégier la conception d’un fond abstrait en premier lieu. Sur la toile, elle procède de la même façon. L’expérience lui permet de constater des effets naturellement générés lorsqu’elle peint à la bombe: des petites bulles, d’autres qui poussaient la peinture dans un sens ou dans l’autre… Certaines altérations de mise en œuvre observées sont donc pleinement recherchées et acceptées. Concernant les peintures fluorescentes, l’artiste aime beaucoup les utiliser. Mais pas seulement. Elle aime aussi utiliser la projection de peinture et le grattage de plusieurs couches de peinture.
Cette réflexion nous amène à aborder la considération de l’artiste sur les changements apparus sur l’œuvre. Son point de vue est assez inflexible : pour l’introduction d’une manière «picturale scripturale», caractéristique de ses œuvres réalisées à l’aide de la bombe. Elle introduit de façon récurrente des éléments graphiques rappelant le monde réel et des symboles issus du vocabulaire du graffiti : des atomes, des flèches, des cercles rappelant des cellules, etc. Ses œuvres sont le plus souvent réalisées indoor.
Et si dans l’histoire de l’art, ce travail peut évoquer l’importance de la naissance de la perspective notamment dans le lien anthropocène -art contemporain, notre plasticienne y expérimente une notion nouvelle de la perspective par une forme d’anamorphose. La couleur y apporte de l’émotion et change la perception de l’espace. Ainsi qu’une mise en abîme de la fluidité poétique dans cette démarche pour pénétrer dans un paysage créé par l’artiste, créatrice d’un monde.
Ayoub Akil