Décidément, les œuvres de l’artiste-peintre française Monique Latouche alias BB Cœur sont profondément ancrées dans une démarche abstraite lyrique hautement spirituelle. C’est même l’origine et la raison d’être de son travail pictural dénonçant implicitement le matérialisme de notre ère provoquant la perte de notre âme. L’œuvre de cette plasticienne, ex-professeure des arts plastiques, vivant et travaillant à Pornic en France, favorise à la fois l’aspect extérieur par son harmonie des formes et des couleurs, et la résonance intérieure, celle de l’âme.
L’expression juste de son sentiment devant le sujet compte à présent bien plus que le sujet lui-même. S’élever, transcender, éclairer, sublimer…, voici les raisons de peindre et de vivre pour Monique. Son art prend sa source dans son âme. C’est par la compréhension de cette vision de l’artiste que le niveau spirituel du contemplateur s’élève. Sa sensibilité aiguë à l’atmosphère, la sûreté de la composition, le contrôle exceptionnel de la palette caractérisée par une tonalité sourde, contrebalancée par les couleurs, est tout simplement magnifique. Son travail présente une hyper sensibilité à la couleur, à la texture, à la lumière, à la forme, à la densité et même aux vibrations spirituelles du sujet choisi. En somme, ses œuvres se prononcent comme des poèmes visuels aux dimensions lyriques en constante expansion au point, parfois, de tutoyer l’abstraction.
Techniquement, notre plasticienne manipule les divers ingrédients : papier, acrylique sur toile, encres de chine, pinceaux, empreintes, dessin, raclette, couteau …pour ainsi inscrire ses travaux dans un processus de combinaison, de mélange. Ce qui implique de nouvelles relations entre composition, forme et figure. Monique explore l’espace, dynamite la matière, explose les couleurs, installe des plans, métamorphose des supports, trace des chemins et des passages, réveille une couleur, en noie une autre, éclaire tel point et plonge tel autre dans l’obscurité, elle recouvre ou épargne, elle froisse, écrase. C’est comme si cette artiste ne se suffisait plus de platitude mais cherche à célébrer surtout la diversité créatrice et sa liberté individuelle d’exprimer ses émotions, quelles qu’elles soient.
En coloriste, elle ne néglige pas les effets de matière. Au contraire, ses œuvres abstraites contemporaines sont l’aboutissement de ses recherches, études de styles visant la définition, la jonction entre l’absence et la présence, le vide et le plein, le visible et l’invisible.
A l’instar de l’artiste Wassily Kandinsky, la grande tâche de Monique consiste à créer des formes et des couleurs pour rendre visible l’invisible et l’irréel réel. A ce titre, il est très important de rappeler que, dans ce processus de réalisation abstraite, BB Cœur est une artiste abstraite, comme une voyageuse qui, pour la première fois, effectue un voyage vers une destination inconnue, via un certain itinéraire. Elle sait qu’elle est censée marcher, mais ne sait pas ce que le voyage lui réserve comme paysages. C‘est seulement, une fois que le voyage est terminé qu’elle peut décrire ce qu’elle a fait et ce qu’elle a découvert durant son itinéraire.
Dans ses œuvres abstraites, Monique, apparemment impassible, offre beaucoup d’émotion mais aussi l’occasion de comprendre la réalité du travail d’une artiste-peintre exigeante qui se fie d’abord et surtout à son inspiration qui découle de son monde intérieur. Elle s’appuie sur son propre terrain fertile en thèmes et en sujets. Elle fait appel à l’imagination, son précieux outil, lui accordant le premier rôle et l’autorisant à s’ébattre en toute liberté et fantaisie. Elle fait confiance également à ce riche substrat de matières variées qui couvent en elle dans les tréfonds de sa psyché.
Ici, qui dit abstraction ne signifie pas forcément dénuée de sens puisque notre artiste retranscrit ses sentiments sur la nature, l’univers, l’environnement, la vie, les secousses de la mort, ainsi que ses rêves poétiques à souhait. Sa peinture évoque beaucoup les mémoires perdues et ses portes souterraines, la place de l’individu dans la société, son absurdité causée par son éloignement de Dieu, le progrès de la science, le capitalisme, la disproportion de l’Homme, sa nature et sa condition, entre autres thématiques philosophiques. Mais la vie est là discrète, tamisée, comme un visage endormi entre deux rêves.
Chez Monique, l’art et l’évasion se prononcent comme un univers scénique qui s’est considérablement transcendé par une narration picturale éclatée, abstraite, expérimentable, mais saisissable. C’est dire que ses œuvres resteront le lieu d’inspiration pour son public grâce à ses différentes relectures et analyses à travers lesquelles elle réussit à produire des tableaux différents allant du simple lecteur et au plus érudit des critiques.
Loin des diktats du marché, Monique, elle, cherche à célébrer l’unité de la matière et de l’esprit, mais l’esprit est bien ce qu’elle aspire à retrouver en elle. Peu à peu ses œuvres s’épurent et les ensembles colorés se font plus rares. Un univers mis à nu se dévoile et s’ouvre de proche en proche vers l’infini.
Ayoub Akil