Plus de quatre ans après sa dernière mission habitée, la Chine s’apprête à envoyer un premier équipage de trois astronautes vers sa station spatiale en construction.
Dans un contexte de tension avec l’Occident, la réussite de la mission est une question de prestige pour Pékin, qui s’apprête à célébrer le 1er juillet 2021 le centenaire du Parti communiste chinois (PCC). Selon les dernières prévisions, c’est jeudi que le vaisseau Shenzhou 12, propulsé par une fusée Longue Marche 2F, devrait décoller de la base de Jiuquan, dans le désert de Gobi (nord-ouest). Son objectif: s’arrimer à Tianhe (Harmonie céleste), l’unique module de la station déjà dans l’espace. Centre de contrôle et lieu de vie des astronautes, il a été placé fin avril en orbite terrestre basse (à 350-390 km d’altitude).
Les trois astronautes Chinois resteront dans l’espace durant trois mois, une période record pour l’empire du milieu. Sa précédente mission habitée fin 2016, Shenzhou 11, n’avait duré que 33 jours. «Le but des astronautes sera de faire en sorte que leur nouvelle maison dans l’espace soit équipée et prête à l’emploi», résume Jonathan McDowell, astronome au Centre Harvard-Smithsonian pour l’astrophysique, aux États-Unis. «L’objectif de la mission est avant tout d’ordre pratique. Elle ne sera pas révolutionnaire dans son contenu.» En trois mois, les astronautes ne chômeront pas: maintenance, installation de matériel, sorties dans l’espace, préparation des missions de construction à venir et des séjours des futurs équipages. «Bref, beaucoup de tâches minutieuses et complexes», souligne Chen Lan, analyste du site GoTaikonauts.com. Pour lui, Shenzhou 12 présente «de nombreux défis» pour un équipage qui «va devoir se familiariser très vite avec des équipements» nouveaux. «C’est une nouvelle station, le risque est donc qu’un système majeur tombe en panne. Mais je pense que tout se passera bien», estime M. McDowell. Nommée en anglais CSS (Chinese Space Station) et en chinois Tiangong (Palais céleste), la station, une fois terminée, sera semblable en taille à l’ex-station soviétique Mir (1986-2001).
Sa durée de vie sera d’au moins 10 ans. La mission Shenzhou 12 constitue le troisième lancement sur les 11 qui seront nécessaires à la construction de la station entre 2021 et 2022. Quatre missions habitées sont prévues au total. En plus de Tianhe déjà en place, les deux modules restants (qui seront des laboratoires) devraient être envoyés dans l’espace l’an prochain. Ces derniers permettront de mener des expériences en matière de biotechnologie, de médecine, d’astronomie ou de technologies spatiales. Si Wang Yaping, deuxième Chinoise dans l’espace, avait été un temps pressentie pour faire partie de Shenzhou 12, ce seront trois hommes qui composeront finalement l’équipage, lequel n’est toujours pas connu. Des femmes participeront toutefois aux missions suivantes, a indiqué Yang Liwei, premier Chinois dans l’espace en 2003 et désormais haut responsable du programme spatial habité.
Alors que des astronautes non chinois, notamment européens, pourraient un jour séjourner dans la CSS, la probabilité d’y voir un Américain est faible: une loi américaine interdit à la NASA tout lien avec la Chine. «Ceux qui avaient planifié l’ISS [sous commandement américain] et la CSS [chinoise] n’avaient pas planifié cette rivalité sino-américaine, qui est presque devenue une réalité aujourd’hui», note Chen Lan. «Mais ce n’est pas forcément une mauvaise chose. Une concurrence équitable et saine bénéficiera aux deux pays et à l’humanité.» Le géant asiatique investit depuis plusieurs décennies des milliards d’euros pour rattraper les autres puissances spatiales.
La Chine est devenue en mai le deuxième pays au monde, après les États-Unis, à faire évoluer sur Mars un petit robot baptisé Zhurong. Cette astromobile a déjà envoyé plusieurs clichés de la planète rouge, dont un étonnant égoportrait la semaine dernière. Au rayon des autres réalisations, la Chine a posé début 2019 un engin sur la face cachée de la Lune, une première mondiale. L’an passé, elle avait rapporté des échantillons lunaires et finalisé Beidou, son système de navigation par satellite (concurrent du GPS américain). Dans un futur proche, Pékin prévoit d’envoyer des humains sur la Lune (vers 2030) et d’y construire une base avec la Russie.
(AFP)