Charismatique, figure éprise d’art et de liberté, Bouchra Azami Hassani est une plasticienne dont la richesse intellectuelle se reflète dans la production picturale. Les couleurs s’expriment pleinement dans toutes leurs nuances voisines avec l’ardeur ensoleillée des paysages et les splendeurs de la culture et du patrimoine marocains. A la manière d’un magicien, cette professeure d’arts plastiques, qui vit et travaille à Rabat, crée des compositions souvent étonnantes pleines de poésie, mais toujours envoûtantes.
La peinture de l’artiste-peintre Bouchra Azami Hassani évoque irrésistiblement ce mot de Cézanne : « L’art est une harmonie parallèle à la nature.». Ainsi dans ses œuvres, on retrouve une palette éclatante où les rouges, les jaunes, les verts et les bleus semblent sortir de l’espace circonscrit des toiles pour entraîner le spectateur dans un tourbillon chromatique. On se sent frappé par ses tableaux qui font alors appel à des couleurs chaudes, traduisant une atmosphère pesante.
Elle apparaît avec cette série comme une artiste qui prend du plaisir à peindre comme en attestent les coulures de la matière et les changements de rythme dans la gestualité: tantôt pondérée et sobre, tantôt lyrique et déchaînée. Elle élabore à la manière d’un musicien des variations sur un thème. L’élément musical, repris sous différents aspects, est le patrimoine marocain, mais il est toujours reconnaissable en dépit de ses multiples variations.
L’univers de Bouchra, on le pressent, s’éloigne du réel angoissant, fait d’insécurité, de violence, de fanatismes, pour proposer une approche vivifiante et pacifiée, une invitation baudelairienne au voyage. Là où tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. Face au monde tel qu’il se présente, la démarche se révèle donc d’autant plus subversive que Bouchra tend vers l’apaisement, la rêverie, la culture, notions qui échappent aux sociétés précipitées au bord du gouffre par des conflits qui les dépassent.
Si la diversité est le propre de la nature humaine, Bouchra, native de Fès, jongle avec les différentes techniques mises à sa disposition. Son œuvre révèle une audace picturale et une base structurelle parfaitement ordonnancées et qui détiennent une intensité stylistique originale. Depuis tant d’années, elle s’est consacrée corps et âme à ses recherches marquées par des voyages, des stages, les efforts pour s’assurer toute documentation utile pour ce faire…Résultat : une œuvre qui capte une réelle intuitivité en se nourrissant d’une créativité qu’elle maîtrise avec une aisance, sans aucune complaisance. Elle choisit de peindre les réalités quotidiennes à sa façon qui ne démentira plus. C’est la clé de lecture, question de permettre aux visiteurs de décoder ces tableaux. Surtout que dans ses œuvres, il s’agit de mettre en lumière le patrimoine immatériel marocain dans toutes ses splendeurs et de protéger la culture marocaine, dans son acception la plus large, du spectre de la perte et de l’oubli.
De ce procédé créatif cherchant un équilibre entre la nécessité du contrôle et le défi de l’impromptu se dégage une grande sérénité et zénitude. Pour Bouchra, l’art est essentiel mais trouve surtout valeur dans l’échange entre la réalisation picturale et la réaction du récepteur. Ainsi la lecture de ses tableaux provoque, chez les passionnés d’art, un effet de lâcher-prise sur le conventionnel et qu’ils éprouvent un certain plaisir en y trouvant leurs propres références et repères d’appartenance, tout en se surprenant à y voyager librement.
Les grandes lignes de ces dialectiques de l’attraction des consciences permettent de concilier l’intention pour soi et le statut conféré par autrui. Ainsi, examiner les œuvres de notre artiste-peintre, de ce point de vue, nous permet d’apercevoir les conditions de production, de diffusion, de réception des œuvres figuratives et d’y exercer un esprit critique. Et l’on demeure toujours fasciné par la quintessence de ses formes abondantes. Il s’agit ici d’une expérience profonde que celle de se sentir emportée et guidée par l’inspiration créatrice. Tout à coup, le figural s’efface et sa sensibilité s’éveille. Elle devient elle-même spectatrice de la toile naissante qui prend forme et s’épanouit sous ses yeux.
Bref, il faut dire que dans la spontanéité du geste créatif de Bouchra Azami Hassani émerge un dialogue en filigrane entre le pinceau, la lumière et la forme et parfois le rendu dépasse tout horizon d’attente. Car, sur la toile, encore humide, la lumière réfléchie par les pigments traduit miraculeusement l’état d’âme du moment et l’émotion ressentie.
Ayoub Akil